PRISE EN CHARGE DES PERSONNES DÉPLACÉES

Au premier plan à droite Claire Guthmann pendant la fête de Pessah 1947 à la synagogue de Wiesbaden. Collection de la communauté juive de Wiesbaden

Prise en charge des personnes déplacées – Claire Guthmann première présidente de la communauté

Claire Guthmann a donné l’impulsion à la refondation de la communauté juive de Wiesbaden. De sa famille, seule sa fille Charlotte a survécu à la Shoah. Charlotte Guthmann a émigré aux États-Unis, tandis que sa mère est restée à Wiesbaden et s’est engagée dans «la Gesellschaft für Christlich-Jüdische Zusammenarbeit» («la Société pour la coopération judéo-chrétienne»).

Les Juifs vivant à Wiesbaden après le 8 mai 1945 étaient marqués par les persécutions du régime nazi, par les années d’emprisonnement en camp de concentration, par la fuite, par l’expulsion ou par la vie dans la clandestinité. Ils souffraient de carence dues à des années de faim et étaient malades à cause des travaux pénibles qu’ils avaient été contraints d’effectuer. La plupart d’entre eux sont venus seuls, car toute leur famille avait été assassinée dans les camps de concentration. Ils étaient sans ressources et gravement traumatisés.

Les Juifs qui vivaient à Wiesbaden et non dans le «DP-Camp» («camp de personnes déplacées») de Zeilsheim, près de Francfort-sur-le-Main, avaient du mal à trouver un endroit où vivre. Bien que le gouvernement militaire ait confisqué des lieux pour les mettre à la disposition des personnes déplacées, les appartements étaient rares. Ainsi, la plupart des membres du conseil d’administration de la communauté juive vivaient ensemble dans le grenier non chauffé de l’ancien foyer juif situé 24 rue Geisberg.Cette adresse fut la première adresse officielle de la communauté de 1945 à 1951. Le gouvernement militaire américain avait mis le bâtiment à la disposition de la communauté juive peu après la fin de la guerre en vue de sa refondation. En 1951, le bâtiment a été vendu et le conseil d’administration a été prié de quitter les lieux avant le 31 mai 1951. La demande de la communauté d’obtenir des bureaux près de la synagogue a été rejetée par le « Hessisches Ministerium des Innern, Abteilung VI Wiedergutmachung nach dem Entschädigungsgesetz» («Ministère de l’Intérieur de la Hesse, Département VI des Réparations et Indemnisations»). La communauté a malgré tout réussi à rendre les locaux aménageables et a annoncé le 8 juin 1951 son installation au 33 rue Friedrich.

Carte des opérations de l'UNRRA D.P. Allemagne, 8 mai 1946. 6.2.2 / 129799278 ITS Digitales Archiv, Arolsen Archiv.

Carte de l’UNRRA D.P. Operations Germany, 8 mai 1946. 6.2.2 / 129799278 ITS Digital Archive, Arolsen Archive

Claire et Charlotte Guthmann de retour à Wiesbaden

Claire Guthmann a dirigé le bureau de la rue Geisberg jusqu’aux premières élections du conseil d’administration en 1946. Elle avait survécu au camp de concentration de Theresienstadt avec sa fille Charlotte. Après la libération du camp de concentration par l’Armée rouge le 7 mai 1945, Claire Guthmann, née en 1894 en Hesse centrale, et Charlotte Guthmann, née en 1925 à Wiesbaden, sont retournées à Wiesbaden pendant l’été 1945. Elles avaient été contraintes de quitter la ville pour Francfort-sur-le-Main le 20 novembre 1942. De Francfort, Hermesweg 7, elles ont été déportées à Theresienstadt le 17 juin 1943. Claire et Charlotte Guthmann étaient les seules survivantes de leur famille de quatre personnes. L’avocat Berthold Guthmann et son fils Paul ont été assassinés dans les camps de concentration d’Auschwitz et de Mauthausen. Berthold Guthmann a été le dernier président de la «Einheitsgemeinde» («communauté juive unifiée»). Il a également été nommé « consul juif de Wiesbaden et ses environs » en 1938. Les nationaux-socialistes avaient dissous la Communauté juive tout comme la communauté juive orthodoxe et les avaient incorporées dans la «Reichsvereinigung der Juden in Deutschland» («Association des Juifs du Reich en Allemagne»). L’avocat Guthmann était la seule assistance juridique dont disposaient les Juifs de Wiesbaden et des environs.

Claire Guthmann et sa fille sont arrivées à Wiesbaden en tant que «Displaced Persons» («personnes déplacées»). Elles sont arrivés au «DP-Camp» («camp de personnes déplacées») n°712 dans la caserne Goltz à Mainz-Kastel. Une grande partie des quelques 400 personnes déplacées juives hébergées dans le DP-Camp ont pu quitter le camp dans le courant de l’année 1945, car on leur a attribué une chambre ou un appartement à Wiesbaden.

Dans son autobiographie, Charlotte Guthmann résume ainsi ses impressions à son retour à Wiesbaden:

“As I arrived back in my hometown… I was strangely, disconcertingly alone. Of course I wasn’t attached to my mother, or even under her care or supervision. I’d been on my own far too long for that. But I was overwhelmed by our return, lonely and desolate. Despite the fact that I’d spent seventeen of my twenty years in Wiesbaden, as we drove into town the feeling was as unnerving as had been our arrival at Terezín: I didn’t know what to expect, I wasn’t sure what was expected of me, I was frightened and impossibly alone.“

[« Quand je suis retournée dans ma ville natale… je me suis sentie étrangement seule. Bien sûr, je ne dépendais pas de ma mère, de ses soins ou sa surveillance. J’étais seule depuis bien trop longtemps pour ça. Mais j’étais accablée, seule et désolée à notre retour. Bien que j’aie passé dix-sept de mes vingt ans à Wiesbaden, le sentiment lorsque nous nous sommes entrées dans la ville était tout aussi éprouvant que lorsque nous sommes arrivées à Theresienstadt : je ne savais pas à quoi m’attendre, je n’étais pas sûre de ce que l’on attendait de moi, j’avais peur et j’étais infiniment seule. »]

Claire Guthmann a été la première présidente de la communauté juive de Wiesbaden après la fin de la Seconde Guerre mondiale

Claire et Charlotte Guthmann ont essayé de se construire une nouvelle vie à Wiesbaden. Charlotte, cependant, ne s’est jamais vraiment sentie chez elle. Elle a travaillé pour le gouvernement militaire américain et a ouvert une agence qui procurait aux Allemands des emplois auprès du gouvernement militaire. Malgré le succès de son entreprise, elle décide après un an d’émigrer aux États-Unis et quitte Wiesbaden. Claire Guthmann est restée sur place avec la ferme intention de reconstruire la communauté et de récupérer les biens confisqués à sa famille. C’est elle qui a demandé à Rudolf Jesinghaus, le chef du bureau municipal de soutien aux personnes persécutées pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, la reprise des activités de la communauté juive, qui s’appelait alors encore Communauté Religieuse Juive. Le 25 octobre 1945, elle signe une lettre au capitaine Théodore, gouvernement militaire, département des personnes déportées, en tant que présidente de la communauté juive de Wiesbaden. Ses fonctions incluaient la représentation des intérêts des personnes déplacées juives à Wiesbaden et leur prise en charge personnelle, notamment celle des personnes déplacées malades, accueillies à l’hôpital de Taunusheim. Elle rendait régulièrement visite aux malades. En outre, Claire Guthmann était en contact avec le rabbin Dr. Neuhaus à Francfort, qui était chargé de l’accompagnement religieux de la communauté en 1945. Pour mener à bien ses tâches, qui étaient coordonnées avec les autorités municipales, Claire Guthmann avait besoin d’une voiture de fonction et d’un chauffeur. Le gouvernement militaire américain lui a fourni les deux. En janvier 1946, elle démissionne du conseil d’administration de la Communauté juive. Cependant, elle est restée engagée dans la communauté. Elle est l’une des personnes qui ont fondé le 17 novembre 1948 la «Gesellschaft für Christlich-Jüdische Zusammenarbeit Wiesbaden e.V. (GCJZ)» («Société pour la coopération judéo-chrétienne de Wiesbaden»). Claire Guthmann est décédée à Wiesbaden en 1957.

La Société pour la coopération judéo-chrétienne de Wiesbaden est la deuxième des 83 sociétés fondées aujourd’hui en Allemagne. Depuis 1953, la communauté juive de Wiesbaden et La Société pour la coopération judéo-chrétienne de Wiesbaden coopèrent lors de la commémoration des pogroms de novembre 1938. La Société pour la coopération judéo-chrétienne de Wiesbaden a également joué un rôle important dans la construction de la nouvelle synagogue et du centre communautaire en 1966. Grâce à des dons, elle a apporté une part considérable des fonds nécessaires à la construction du nouveau bâtiment.

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