L’IRSO et la vente des propriétés de Michelsberg et de la rue Friedrich
Les relations entre la communauté juive de Wiesbaden et la ville de Wiesbaden ont été conflictuelles au cours des premières années, notamment lorsqu’il était question de l’indemnisation des biens détruits. La communauté avait un besoin urgent de fonds pour réparer la synagogue et subvenir aux besoins de ses membres La Jewish Restitution Successor Organization (l’IRSO) (« Organisation Juive de Succession pour la Restitution ») a failli vendre à la ville le terrain de la synagogue sans consulter la communauté.
En avril 1946, le délégué de l’Etat auprès du Ministère de l’Intérieur, chargé de la protection des Juifs dans la Grande Hesse, est émis un décret stipulant qu’il fallait «fournir toute la protection et l’assistance possibles à tous les Juifs vivant dans la Hesse». La raison qu’il en donne est que « le national-socialisme, par le traitement qu’il a réservé aux Juifs, s’est rendu coupable d’un crime énorme […] » Et l’on peut « parfaitement affirmer qu’une grande partie de nos concitoyens ont même soutenu ce crime en le sachant et en le laissant tranquillement se produire. Une autre très grande partie de la population s’est […] également rendue coupable. Le commissaire d’État a poursuivi en décrétant que «les Juifs doivent bénéficier de toute la protection et de toute l’assistance possibles et que toute différence de traitement fondée sur des motifs raciaux ou religieux doit être immédiatement arrêtée». Toutefois, le commissaire d’État n’a pas précisé la forme concrète que devait prendre cette aide. Les modalités de restitution sont finalement fixées par la loi militaire n° 59, promulguée dans la zone d’occupation américaine le 10 novembre 1947. Le gouvernement militaire américain avait déjà initié la politique de restitution dès avril 1946. Désormais, les demandes de réparations pouvaient être adressées à l’État. La ville de Wiesbaden devait également verser une compensation financière pour, entre autres, les synagogues de Wiesbaden détruites ou gravement endommagées pendant les pogroms de novembre.
Lorsque la loi militaire est entrée en vigueur, la synagogue de Wiesbaden était déjà à nouveau le centre de la vie juive, l’armée américaine ayant apporté son soutien financier et matériel. La ville devait prendre la suite et continuer à financer l’entretien du bâtiment. La synagogue, construite en 1882 et gravement endommagée en 1938, est restée longtemps en chantier. Encore et encore, la communauté juive de Wiesbaden s’est tournée vers la ville et l’État pour obtenir du soutien. Le toit du bâtiment, qui comportait un insert en verre, a suscité de grandes inquiétudes. Les fonds municipaux déboursés dans le cadre des réparations ont été largement consacrés à la réparation du toit, mais n’ont pas suffi à le réparer totalement. En outre, selon la communauté, les travaux coordonnés par l’administration de la ville ont été effectués de manière inappropriée. Dès 1950, la communauté juive a dû demander un nouveau soutien financier pour les réparations du bâtiment. S’ensuivent plusieurs années de correspondance entre la communauté juive, le ministère de l’intérieur de la Hesse et les autorités municipales de la ville de Wiesbaden.
La vente de la propriété dans la rue Friedrich évitée de justesse
Alors que le conseil d’administration de la communauté juive a dû contacter la ville à plusieurs reprises pour enfin obtenir des fonds pour la réparation de la synagogue, La Jewish Restitution Successor Organization (IRSO) (« Organisation Juive de Succession pour la Restitution ») a également demandé la restitution des propriétés du 31 et du 33 de la rue Friedrich. Elle voulait vendre les propriétés à la ville. Le conseil de la communauté juive a pu intervenir juste à temps pour empêcher la vente. L’IRSO avait été fondée à New York en 1948 pour restituer les biens restés sans héritiers connus des personnes persécutées et assassinées pour des raisons raciales. Elle a également repris les biens restitués des institutions et organisations qui avaient été expropriées et dissoutes par le régime nazi. En 1949, l’IRSO a présenté des demandes de restitution des propriétés des synagogues de Michelsberg/Schulberg, à Biebrich et Schierstein. Les négociations avec le cadastre municipal ont été âpres et se sont soldées par un règlement devant le bureau d’État pour le contrôle des biens et la restitution. En 1954, l’IRSO a introduit, au nom de la communauté juive de Wiesbaden, d’autres demandes sur la base de la loi fédérale de 1953 sur l’indemnisation des victimes de persécutions nationales-socialistes auprès de l’autorité d’indemnisation du district de Wiesbaden pour les dommages matériels, c’est-à-dire pour la profanation de la synagogue de la rue Friedrich et la destruction de celle de Michelsberg. L’IRSO n’avait manifestement pas supposé, dans ses demandes de restitution, que la vie juive renaîtrait en Allemagne, le pays des coupables. Elle a donc déposé des demandes pour tous les biens qu’elle avait identifiés et pour lesquels il existait un soupçon d’aryanisation et pour lesquels aucune demande de restitution n’avait encore été déposée. Comme dans le cas des bâtiments du 31 et du 33 de la rue Friedrich, cela s’est souvent fait sans consulter les anciens propriétaires juifs, ce qui a souvent entraîné des conflits.